Les mendiants de l'emploi

Alternative pour le changement

 
 
 
"Seuls, les hommes avancés de notre société reconnaissent que les ouvriers sont soumis à un véritable esclavage. (…) L’abolition du servage et l’affranchissement des noirs marquèrent seulement la disparition d’une ancienne forme vieillie et inutile de l’esclavage, et l’avènement immédiat d’une forme nouvelle plus solide, plus générale et plus oppressive."

"La cause de l’esclavage est l’existence de lois. Or ces lois s’appuient sur la violence organisée. On ne pourra donc porter remède à la condition de la classe ouvrière qu’en détruisant la violence organisée. (…) La violence organisée, c’est le gouvernement."

"Essayer de détruire la violence par la violence, c’est vouloir éteindre le feu par le feu, inonder un pays pour refluer les eaux d’un fleuve qui déborde, c’est creuser un trou dans le sol pour avoir de la terre afin d’en combler un autre. (…) Si donc il existe un moyen de détruire l’esclavage, ce ne peut être l’institution d’un nouveau système de violence, mais l’anéantissement de ce qui rend possible la violence des gouvernements."

"Les conquérants accomplissaient leur œuvre au prix d’efforts personnels ; ils étaient agiles, braves et cruels. Les gouvernements vont à leur but par la ruse et le mensonge"

"Il faut pour détruire [cette violence] la démasquer d’abord et jeter bas le mensonge qui la couvre."

"La nécessité des armées disciplinées – voilà le mensonge par lequel les gouvernements règnent sur les peuples. Il suffit qu’un gouvernement dispose de cet instrument de violence et de meurtre pour qu’il prenne autorité sur le peuple entier. Dès lors il ne lâchera plus, il le ruinera et, comme pour le bafouer, il prendra à cœur d’en faire, par une éducation pseudo-religieuse et patriotique, son fidèle, son adorateur même à lui, gouvernement, qui le tient en esclavage et le tourmente."

"Un écrivain, Eugen Heinrich Schmidt a fait paraître sous sa signature dans le journal qu’il dirige à Budapest (…) un article excellent (…). Il y dit à peu près ceci. Les gouvernements, qui justifient leur existence par la sécurité relative qu’ils assurent à leurs sujets, sont comparables au brigand de la Calabre qui promettait aux voyageurs de leur laisser la route sûre s’ils consentaient à lui payer tribut. (…) Nous sommes tellement hypnotisés par les gouvernements que cette comparaison nous paraît une exagération, un paradoxe, une plaisanterie. Elle n’est cependant rien moins que tout cela. Et si elle contient quelque inexactitude, c’est que l’œuvre des gouvernements est cent fois plus inhumaine et surtout plus funeste que celle du brigand calabrais. Le brigand dépouillait de préférence les riches, les gouvernements dépouillent de préférence les pauvres, et favorisent les riches qui les aident au crime. Le brigand risquait sa vie, les hommes de gouvernement n’aventurent pas leur personne et n’agissent eux-mêmes que par la ruse et le mensonge. Le brigand n’enrôlait personne de force dans sa bande ; les gouvernements enrôlent leurs soldats de force le plus souvent. Le brigand offrait indistinctement les mêmes garanties de sécurité à tous ceux qui lui payaient tribut. Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu’ils prennent à l’organisation du mensonge."

"s’ils [les hommes] participent à l’œuvre des gouvernements – en donnant une somme d’argent qui représentera une part des produits de leur travail, ou en servant dans les armées – ils ne font pas en cela un acte indifférent, comme on le croit d’ordinaire, mais un acte coupable parce que, outre le préjudice, qu’ils auront ainsi causé à leurs frères et à eux-mêmes, ils auront accepté de collaborer aux crimes que tous les gouvernements ne cessent de commettre et à la préparation des crimes futurs par lesquels les gouvernements entretiennent des armés disciplinées"

"Il est mal de leur part [aux hommes de la classe riche], non seulement de jouir du travail forcé de nombreux esclaves et de ne pas vouloir pas renoncer à cette jouissance, mais aussi de participer de quelque façon à l’organisation et au maintien d’un régime de servitude. (…) Les ouvriers, de leur côté, sont tellement pervertis par les habitudes de leur condition servile, qu’ils rejettent toute la responsabilité de leur misère uniquement sur les patrons, qui ne les payent pas assez et détiennent les moyens de production. Mais il ne leur vient pas à l’esprit que leur malheureux sort dépend seulement d’eux-mêmes et que, s’ils cherchent vraiment, non pas la garantie de petits intérêts personnels, mais l’amélioration de leur sort et de celui de leurs frères, ils doivent avant tout cesser de faire ce qu’ils font de mal, c’est-à-dire ne plus essayer de relever leur condition par les moyens mêmes qui les ont réduits en esclavage, ne plus consentir par la satisfaction de leurs habitudes à sacrifier leur dignité d’hommes libres, à remplir des forces avilissantes ou immorales, à produire par leur travail des objets inutiles ou pernicieux ; et surtout ne plus soutenir les gouvernements par le service personnel ou par le paiement de l’impôt, en d’autres termes ne plus contribuer à leur propre asservissement."

"Ce qu’il faut faire ? La réponse est très simple, précise et tout homme peut en faire l’application, mais elle n’est pas telle que l’attendaient les gens de la classe aisée, absolument convaincus qu’ils sont appelés, non pas à se corriger eux-mêmes (ils pensent qu’ils ne peuvent être meilleurs), mais à instruire et organiser d’autres hommes – ni telle non plus que l’espéraient les ouvriers, persuadés que les auteurs responsables de leur misère sont les capitalistes et qu’il leur suffira pour être à jamais heureux de prendre et de mettre à la portée de tous les objets de jouissance dont les capitalistes profitent seuls aujourd’hui. Cette réponse est très simple et facilement applicable parce qu’elle engage chacun de nous à faire agir la seule personne sur laquelle il ait un pouvoir réel, légitime et certain, c’est-à-dire lui-même, et qu’elle est toute contenue en ceci : tout homme qui voudra améliorer, non seulement sa propre situation, mais aussi celle de ses frères, devra cesser de commettre les actes mauvais qui sont les causes de son esclavage et de celui de ses frères. Il devra d’abord ne participer ni volontairement, ni obligatoirement à l’œuvre des gouvernements et, par conséquent, ne jamais accepter les fonctions de soldat ni de feld-maréchal, ni de ministre, ni de receveur, ni de témoin, ni de bailli, ni de juré, ni de gouverneur, ni de membre d’un parlement, qui toutes s’exercent avec l’appui de la violence ; en second lieu ne payer aux gouvernements ni l’impôt direct, ni l’impôt indirect, ne rien recevoir de l’argent du fisc sous forme d’appointements, de pensions ou de récompenses et ne jamais demander un service aux établissement entretenus par l’Etat avec les ressources du peuple ; il devra, en troisième lieu, ne jamais demander à la violence des gouvernements, ni de lui garantir la propriété d’une terre ou d’un objet quelconque, ni de défendre sa personne et celle de ses proches, et ne profiter de la terre ou de tous les produits de son travail ou de tous les produits de son travail ou du travail d’autrui que dans la mesure où ces objets ne feront pas défaut à d’autres hommes"Pour en finir avec l'esclavage moderne

"Il se peut bien, dira tout homme sincère et honnête, qu’un gouvernement violent soit nécessaire au bonheur des sociétés. Il se peut bien que cela soit prouvé par l’histoire et que vos dissertations n’aient rien que de très exact. Mais l’assassinat est un mal, cela je n’ai besoin d’aucune dissertation pour le comprendre aussi clairement que possible. En me demandant soit le service personnel dans un régiment, soit de l’argent pour payer et armer des soldats, acheter des canons, construire des cuirassés, vous me demandez tout simplement de contribuer à des assassinats et, non seulement je ne veux pas, mais je ne puis faire cela. De même, je ne veux pas et ne puis pas jouir de l’argent que par des menaces de mort vous avez obtenu d’hommes affamés, je ne veux pas jouir de la terre et des capitaux que vous protégez, car je sais que vous les protégez par l’assassinat."

Alternative pour le changement

Léon Tolstoï, L’esclavage moderne (1900)
 
 
 
 
 
 
 

"Seuls, les hommes avancés de notre société reconnaissent que les ouvriers sont soumis à un véritable esclavage. (…) L’abolition du servage et l’affranchissemen...t des noirs marquèrent seulement la disparition d’une ancienne forme vieillie et inutile de l’esclavage, et l’avènement immédiat d’une forme nouvelle plus solide, plus générale et plus oppressive."

"La cause de l’esclavage est l’existence de lois. Or ces lois s’appuient sur la violence organisée. On ne pourra donc porter remède à la condition de la classe ouvrière qu’en détruisant la violence organisée. (…) La violence organisée, c’est le gouvernement."

"Essayer de détruire la violence par la violence, c’est vouloir éteindre le feu par le feu, inonder un pays pour refluer les eaux d’un fleuve qui déborde, c’est creuser un trou dans le sol pour avoir de la terre afin d’en combler un autre. (…) Si donc il existe un moyen de détruire l’esclavage, ce ne peut être l’institution d’un nouveau système de violence, mais l’anéantissement de ce qui rend possible la violence des gouvernements."

"Les conquérants accomplissaient leur œuvre au prix d’efforts personnels ; ils étaient agiles, braves et cruels. Les gouvernements vont à leur but par la ruse et le mensonge"

"Il faut pour détruire [cette violence] la démasquer d’abord et jeter bas le mensonge qui la couvre."

"La nécessité des armées disciplinées – voilà le mensonge par lequel les gouvernements règnent sur les peuples. Il suffit qu’un gouvernement dispose de cet instrument de violence et de meurtre pour qu’il prenne autorité sur le peuple entier. Dès lors il ne lâchera plus, il le ruinera et, comme pour le bafouer, il prendra à cœur d’en faire, par une éducation pseudo-religieuse et patriotique, son fidèle, son adorateur même à lui, gouvernement, qui le tient en esclavage et le tourmente."

"Un écrivain, Eugen Heinrich Schmidt a fait paraître sous sa signature dans le journal qu’il dirige à Budapest (…) un article excellent (…). Il y dit à peu près ceci. Les gouvernements, qui justifient leur existence par la sécurité relative qu’ils assurent à leurs sujets, sont comparables au brigand de la Calabre qui promettait aux voyageurs de leur laisser la route sûre s’ils consentaient à lui payer tribut. (…) Nous sommes tellement hypnotisés par les gouvernements que cette comparaison nous paraît une exagération, un paradoxe, une plaisanterie. Elle n’est cependant rien moins que tout cela. Et si elle contient quelque inexactitude, c’est que l’œuvre des gouvernements est cent fois plus inhumaine et surtout plus funeste que celle du brigand calabrais. Le brigand dépouillait de préférence les riches, les gouvernements dépouillent de préférence les pauvres, et favorisent les riches qui les aident au crime. Le brigand risquait sa vie, les hommes de gouvernement n’aventurent pas leur personne et n’agissent eux-mêmes que par la ruse et le mensonge. Le brigand n’enrôlait personne de force dans sa bande ; les gouvernements enrôlent leurs soldats de force le plus souvent. Le brigand offrait indistinctement les mêmes garanties de sécurité à tous ceux qui lui payaient tribut. Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu’ils prennent à l’organisation du mensonge."

"s’ils [les hommes] participent à l’œuvre des gouvernements – en donnant une somme d’argent qui représentera une part des produits de leur travail, ou en servant dans les armées – ils ne font pas en cela un acte indifférent, comme on le croit d’ordinaire, mais un acte coupable parce que, outre le préjudice, qu’ils auront ainsi causé à leurs frères et à eux-mêmes, ils auront accepté de collaborer aux crimes que tous les gouvernements ne cessent de commettre et à la préparation des crimes futurs par lesquels les gouvernements entretiennent des armés disciplinées"

"Il est mal de leur part [aux hommes de la classe riche], non seulement de jouir du travail forcé de nombreux esclaves et de ne pas vouloir pas renoncer à cette jouissance, mais aussi de participer de quelque façon à l’organisation et au maintien d’un régime de servitude. (…) Les ouvriers, de leur côté, sont tellement pervertis par les habitudes de leur condition servile, qu’ils rejettent toute la responsabilité de leur misère uniquement sur les patrons, qui ne les payent pas assez et détiennent les moyens de production. Mais il ne leur vient pas à l’esprit que leur malheureux sort dépend seulement d’eux-mêmes et que, s’ils cherchent vraiment, non pas la garantie de petits intérêts personnels, mais l’amélioration de leur sort et de celui de leurs frères, ils doivent avant tout cesser de faire ce qu’ils font de mal, c’est-à-dire ne plus essayer de relever leur condition par les moyens mêmes qui les ont réduits en esclavage, ne plus consentir par la satisfaction de leurs habitudes à sacrifier leur dignité d’hommes libres, à remplir des forces avilissantes ou immorales, à produire par leur travail des objets inutiles ou pernicieux ; et surtout ne plus soutenir les gouvernements par le service personnel ou par le paiement de l’impôt, en d’autres termes ne plus contribuer à leur propre asservissement."

"Ce qu’il faut faire ? La réponse est très simple, précise et tout homme peut en faire l’application, mais elle n’est pas telle que l’attendaient les gens de la classe aisée, absolument convaincus qu’ils sont appelés, non pas à se corriger eux-mêmes (ils pensent qu’ils ne peuvent être meilleurs), mais à instruire et organiser d’autres hommes – ni telle non plus que l’espéraient les ouvriers, persuadés que les auteurs responsables de leur misère sont les capitalistes et qu’il leur suffira pour être à jamais heureux de prendre et de mettre à la portée de tous les objets de jouissance dont les capitalistes profitent seuls aujourd’hui. Cette réponse est très simple et facilement applicable parce qu’elle engage chacun de nous à faire agir la seule personne sur laquelle il ait un pouvoir réel, légitime et certain, c’est-à-dire lui-même, et qu’elle est toute contenue en ceci : tout homme qui voudra améliorer, non seulement sa propre situation, mais aussi celle de ses frères, devra cesser de commettre les actes mauvais qui sont les causes de son esclavage et de celui de ses frères. Il devra d’abord ne participer ni volontairement, ni obligatoirement à l’œuvre des gouvernements et, par conséquent, ne jamais accepter les fonctions de soldat ni de feld-maréchal, ni de ministre, ni de receveur, ni de témoin, ni de bailli, ni de juré, ni de gouverneur, ni de membre d’un parlement, qui toutes s’exercent avec l’appui de la violence ; en second lieu ne payer aux gouvernements ni l’impôt direct, ni l’impôt indirect, ne rien recevoir de l’argent du fisc sous forme d’appointements, de pensions ou de récompenses et ne jamais demander un service aux établissement entretenus par l’Etat avec les ressources du peuple ; il devra, en troisième lieu, ne jamais demander à la violence des gouvernements, ni de lui garantir la propriété d’une terre ou d’un objet quelconque, ni de défendre sa personne et celle de ses proches, et ne profiter de la terre ou de tous les produits de son travail ou de tous les produits de son travail ou du travail d’autrui que dans la mesure où ces objets ne feront pas défaut à d’autres hommes"Pour en finir avec l'esclavage moderne

"Il se peut bien, dira tout homme sincère et honnête, qu’un gouvernement violent soit nécessaire au bonheur des sociétés. Il se peut bien que cela soit prouvé par l’histoire et que vos dissertations n’aient rien que de très exact. Mais l’assassinat est un mal, cela je n’ai besoin d’aucune dissertation pour le comprendre aussi clairement que possible. En me demandant soit le service personnel dans un régiment, soit de l’argent pour payer et armer des soldats, acheter des canons, construire des cuirassés, vous me demandez tout simplement de contribuer à des assassinats et, non seulement je ne veux pas, mais je ne puis faire cela. De même, je ne veux pas et ne puis pas jouir de l’argent que par des menaces de mort vous avez obtenu d’hommes affamés, je ne veux pas jouir de la terre et des capitaux que vous protégez, car je sais que vous les protégez par l’assassinat."

Alternative pour le changement

Léon Tolstoï, L’esclavage moderne (1900)



14/06/2014
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